Traverser un grand paysage par une voie ferrée aérienne, embarquer sur un bateau par un ponton animé, prendre de la hauteur dans une télécabine sont des expériences souvent marquantes. On les rencontre principalement pendant ses vacances mais parfois aussi, juste à coté de chez soi.

Les villes développées du 21e siècle et les parcs de loisirs s’inspirent parfois les uns des autres. En cherchant bien, on peut même leur trouver des similitudes et quelques points communs. Et s’il en est un bien évident, c’est celui des transports en commun !

  • Il y’a en effet rarement un parc sans petit train, monorail panoramique ou promenade en bateau
  • Les téléphériques panoramiques sky ride ou sky way étaient souvent indissociables des premiers masterplan des grands parcs d’attractions américains.
  • Le monorail de Disneyland Californie date de 1959 a été conçu comme un démonstrateur des nouveaux modes de déplacement urbain et a été inauguré en présence de Richard Nixon, alors président des USA.
  • Une visite du resort « Universal » en Floride serait incomplète sans prendre le « Poudlard Express » véritable attraction/transport pour relier ses deux parcs et les zones à thème Harry Potter qui s’y trouvent.
Monorail & Skyway à Disneyland Californie en 1965 : l’émergence de l’attraction transport (source)

Les univers des parcs Disney sont probablement ceux ou la place des transports est la plus importante. Walt Disney avait une véritable passion pour les trains (il a notamment eu un grand circuit modèle réduit dans le jardin de sa propriété) et il voulait créer des lieux éloignés de tous les « maux » de son époque, dont l’alcool (d’ailleurs longtemps introuvable dans ses parcs) mais aussi la voiture individuelle.

Dans un parc d’attraction, on se déplace à pied, on flâne, on regarde le décor, on va d’une attraction à une autre, d’une boutique à un restaurant. Les voitures individuelles, pour celles qui ne sont pas au parking, sont cantonnées à des circuits fermés, contrôlés et sont replacées dans un imaginaire positif vintage ou futuriste : Main Street Vehicles, Autopia ou Test Track pour rester dans l’univers des parcs Disney.

Également, avant de devenir le parc d’attraction que l’on connait aujourd’hui en Floride, EPCOT (pour Experimental Prototype Community Of Tomorrow) était dans les années 50-60 un projet de ville nouvelle conçues sur la base de plusieurs principes dont celui d’un transport régulé et exploitant notamment une autre invention Disney : le WEDWay/PeopleMover (que l’on peut trouver comme simple attraction à Disneyland en Floride).

Le master plan initial d’EPCOT, tout en mobilité (source)

Dans un parc d’attraction, les transports répondent à double enjeu :

Enjeu n°1 :

Répondre à besoin pragmatique très simple : gérer les flux en conduisant en sécurité les foules d’un point A à un point B, surtout pour des parcs très fréquentés.

Enjeu n°2

Participer à l’expérience du lieu ! En effet, les transports :

  • Contribuent à la mise en scène de l’espace, à la manière dont on va découvrir un lieu en y allant ou en le traversant.
  • Participent au spectacle et à la mise en scène de l’ensemble, à l’animation par le mouvement des véhicules et des passagers
  • Évoquent un imaginaire du voyage et de l’aventure, font écho à un souvenir d’enfance comme le premier voyage en bus, en train,
  • Deviennent des attractions en soi que l’on va prendre pour finalement souvent revenir au même point, juste pour le plaisir du déplacement.

En ville, c’est essentiellement l’enjeu n°1 qui est appelé, le besoin pragmatique de déplacer des personnes d’un point à un autre, dans un sens le matin et dans l’autre le soir. La complexité des réseaux générés et l’intensité de leur fréquentation laissera alors peu de place à la rêverie et à l’imaginaire, qui relèvent de l’enjeu n°2.

  • Et si en ville, les transports parvenaient à un niveau de poésie comparable à ceux des parcs ?
  • Et si les transports pouvaient aussi contribuer à la qualité de la ville et de ses expériences ?

Pour ce début d’année, Funfaircity se propose de défricher un nouveau territoire, celui du « transport-attraction« . Loin des lignes de métro bondées, des arrêts de bus mal abrités et des pistes cyclables encombrées, certains services de transport en commun offrent une expérience unique pour les usagers et les visiteurs de passage. Je vous propose, avec ce premier chapitre, d’en découvrir quelques unes.


Le téléphérique, solution « loisirs montagne » à l’appui des villes

La nouvelle poésie des transports peut déjà venir des téléphériques urbains. Coté pragmatisme, la solution d’un transport aérien par câble est une solution technique de plus en plus utilisée face aux contraintes techniques et économiques que présentent souvent la réalisation d’une ligne de transport dans certaines configurations (dénivelés, franchissements très larges ou les deux à la fois). Il est ainsi très populaire en Amérique latine où il survole même les zones habitées.

Le téléphérique est une technologie exigeante, sensible et qui reste couteuse. Son impact visuel est important compte tenu de la hauteur des pylônes et dans certains cas, il peut occasionner des nuisances sonores, problématiques en zone habitée.

Mais par sa nature, le téléphérique se situe à la rencontre d’une expérience de touriste en visite et d’une expérience d’usager en déplacement. Et ce sont les vues qu’il permet d’offrir sur son environnement qui génèrent ce positionnement double qui le rend si intéressant. Certaines installations, bien qu’urbaines, restent dévolues à un usage touristique comme Grenoble (Bastille) ou Toulon (Faron) en France, Namur ou Rio de Janeiro à l’étranger.

Mais d’autres installations sont plus clairement entre les deux univers, ville et loisirs, et peuvent alors être qualifiées de « transports-attractions » :

  • Roosevelt Island Tramway à New York : un envol impressionnant au cœur de la vibrante Manhattan et un transport qui reste plébiscité malgré la mise en service d’un métro sur le même parcours.
  • Téléphérique du Port à Barcelone : un incontournable de la visite de la ville avec également celui de la colline de Montjuic.
  • Téléphérique de Brest : une des nouvelles « icônes » de la ville avec les Ateliers des Capucins qu’il dessert
  • Emirates Air Line à Londres : un équipement remontant aux Jeux Olympiques de 2012 et survolant la Tamise pour relier Greenwitch Peninsula aux Royals Docks.
  • Et aussi Coblence (Allemagne), Constantine et Alger (Algérie) ou Taipei (Taiwan).
  • Enfin, véritable petite curiosité découverte en Ombrie, au cœur de l’Italie, le téléphérique de Gubbio (funivia Colle Eletto) que l’on emprunte en position débout ! Sensations assurées.

De ce point de vue, il y’a donc toutes les raisons de se réjouir des projets de lignes en France comme à Grenoble, à Toulouse, dans le Val de Marne, à Lyon ou encore Saint Denis de la Réunion… Il s’agit là de projets complexes mais potentiellement générateurs de nouveaux points de vues et de nouvelles expériences de déplacement.

Le bateau, retour d’un mode traditionnel pour une mobilité verte

Alors qu’un grand nombre de ville est bâti au bord d’un grand fleuve ou d’un plan d’eau navigable, rares sont celles qui ont aujourd’hui un véritable réseau de transport fluvial. Si par le passé, les bateaux, bacs et autres ferrys étaient très en vogue, ils ont rapidement disparu, concurrencés par d’autres modes de transport (dont les modes ferrés et le métro). Le cas de Paris est intéressant car entre 1934 (arrêt des liaisons fluviales faute de voyageurs suffisante) et 2008 (création du service expérimental Voguéo), il n’y a eu aucun service de transport fluvial dans la capitale. Le service Voguéo s’est arrêté en 2013, faute de modèle économique pertinent. Plusieurs extensions de lignes avaient pourtant été prévues.

Venise et à ses “vaporetti” est un cas tout à fait particulier et c’est sans oublier que ceux-ci transportent pour l’essentiel des visiteurs et touristes. L’eau en ville est pourtant le support de nombreuses activités de loisirs, depuis les classiques bateaux mouches, les « attractions » fluviales comme les Thames Rockets (Londres) ou The Beast (New York) ou les petits bateaux électriques à louer d’une compagnie comme Marins d’Eau Douce (Paris, Meaux, Lille, Strasbourg).

Dans quelques villes, on trouve pourtant des liaisons fluviales qui ont autant un rôle de mobilité urbaine qu’un usage d’attraction touristique :  

L’avenir pourrait également aller vers les SeaBubbles, ces prototypes de taxis fluviaux futuristes pouvant être déployés dans différents types d’environnement urbain.

D’apparence simple, le bateau est souvent considéré comme inadapté au transport urbain par ses coûts d’exploitation et son débit réduit. Néanmoins il possèderait dans certaines situations de bons atouts pour se déployer dans des villes. Et alors il aurait tout à gagner à être pensé et conçu comme un « transport-attraction« .

Le monorail, liaison la plus rapide entre la ville et le parc d’attractions

Transport en commun atypique par excellence, le monorail est toujours une véritable curiosité. D’une fonction similaire à celle d’un métro ou d’un chemin de fer aérien, sa forme et son intégration urbaine s’en distinguent considérablement :

  • C’est une structure de rails en béton fine et élégante, plutôt facile à intégrer en ville.
  • C’est un mode de transport plus silencieux d’une voie ferrée.
  • C’est un design futuriste, peut-être un peu daté mais encore plein de charme.

Parmi toutes les variantes et techniques existantes, trois se prêtent bien au transport-attraction :

  • Le design classique, inspiré de la conception initiale des équipes de Walt Disney pour son premier parc d’Anaheim en Californie. On le retrouve par exemple dans des villes comme Seattle, Kuala Lumpur, Sao Paulo, Jacksonville, Moscou ou encore Las Vegas. Également à Chongqing en où il se prête bien au relief de cette mégapole chinoise et où se trouvent les plus longues lignes du monde ainsi que cette étonnante station dans un immeuble.
  • Le monorail suspendu, dont la ligne de Wuppertal (Schwebebahn) en Allemagne, créé en 1901 sur 13 kilomètres, est une petite expérience en soi. On trouve de pareils monorails en service au Japon notamment.
  • Le maglev, ce monorail à lévitation magnétique dont le seul en service, le Transrapid relie depuis 2003 la ville de Shanghai et son aéroport. C’est le transport public terrestre le plus rapide du monde avec plus de 430 km/h. Difficile de faire plus attractif !

Il doit y avoir en tout une vingtaine de réseaux de monorail urbain en service dans le monde.

Son développement est plus limité qu’un réseau ferré car sa technologie rend complexe tout système d’aiguillage et peut présenter par mal d’inconfort aux voyageurs. Il est donc surtout recommandé pour des réseaux simples d’une ligne ou en navette comme les aéroports (Mexico City, Düsseldorf, Bologne, …), les pôles d’exposition (Sacramento, Johannesburg), les universités (Dortmund) ou les centres commerciaux (Saragosse, Honolulu, Rio de Janeiro).

On dit aussi que sa première apparition au sein du parc Disneyland lui a finalement empêché de se détacher de son image d’attraction pour devenir un véritable transport. Pour autant, considérant la vingtaine de réseaux projet dans le monde, notamment dans des grandes villes de pays émergents, on se dit que le monorail et que son expérience de déplacement panoramique et futuriste est peut-être en train de prendre sa revanche ! L’attraction-transport par excellence deviendra t’il le meilleur transport-attraction ?


La vision Funfaircity, c’est celle d’attractions urbaines reparties en plusieurs points de la ville, à la façon d’un parc de loisirs diffusé. Pour que l’analyse soit complète, il fallait bien veiller à la manière dont ces attractions sont reliées !

Pour que les transports urbains puissent retrouver la part de rêve et d’imaginaire, il faudra compter :

  • Sur l’expérience qu’ils offrent tant sur le plan du déplacement que de l’animation des espaces urbains ainsi que le montrent les exemples de cette publication.
  • Sur les conditions et la qualité du service et à cet égard, le recours au télétravail et à d’autres modes de transports (effets dus à la crise sanitaire) pourront peut-être perdurer et réduire la charge qui pèse sur ces composantes essentielles de la ville.
  • Mais aussi sur l’intensité des lieux qu’ils desservent. A l’image de l’Atelier des Capucins (Brest) et de l’écho historique des « Trolley Parks », ces grands équipements de loisirs du 19e siècle construits en fin de ligne pour générer du trafic le week-end et non seulement en semaine par les travailleurs.

A suivre dans un prochain chapitre. Et d’ici là bon voyage !

Crédit image de titre : site officiel du monorail de Seattle